Dr D.Schneider, service de radio-oncologie, HUG, Genève.
Les radiations ionisantes quelles soient accidentelles ou thérapeutiques ont un effet délétère sur la fonction reproductive à tout âge. Le degré d’atteinte, sa durée dépendent de la dose reçue aux organes reproducteurs, des volumes irradiés, d’éventuelles chimiothérapies concomitantes, de l’âge de la patiente(1). Une radiothérapie crânienne à une dose supérieure à 30 Gy de la région hypothalamo-hypophysaire peut entraîner avec le temps un hypogonadisme hypogonadotrophique.
Les ovaires sont malheureusement exposés à des doses significatives en cas de radiothérapie d’ une tumeur du col utérin, du rectum, en cas d’irradiation crânio-spinale pour tumeurs du SNC, en cas d’irradiation corporelle totale de conditionnement avant transplantation de moelle osseuse pour des hémopathies, ou de radiothérapie ganglionnaire pour maladie de Hodgkin et autres lymphomes.
Gosden et al. ont montré qu’il existe une relation dose/déplétion des follicules primordiaux dans les ovaires de souris après escalade de dose de 0.1, 0.2 et 0.3 Gy. Ceci explique une stérilité complète après des doses élevées et une stérilité précoce après déplétion partielle des stocks de follicules primordiaux à doses moins élevées(2).
A un âge inférieur à 40 ans, une dose de 20 Gy est nécessaire pour obtenir une stérilisation définitive alors qu’à un âge plus avancé 6 Gy sont suffisants pour obtenir le même effet(3).
Chiarelli a établi une relation entre doses reçues sur l’abdomen, le pelvis et le risque de perte précoce de la fonction ovarienne : à des doses<20 Gy le risque relatif était de 1.02, entre 20-35 Gy, le RR était de 1.37, enfin à des doses > 35 Gy, le RR était de 3.27 ; une irradiation de 20-35 Gy cause une infertilité dans 22% des cas et des doses>35 Gy une stérilité dans 32% des cas(4).
Bien que considéré comme relativement radiorésistant, l’utérus est également sensible à l’irradiation et même si une grossesse a pu être établie, son issue peut être compromise par l’insuffisance vasculaire, le manque de plasticité de l’organe et l’insuffisance endométriale en partie hormonorésistante, se soldant par des taux d’avortements spontanés, des petits poids de naissance, ou des contractions prématurées(5) significativement plus élevées que dans la population générale(6).
Heureusement le taux de tératogénie n’est pas augmenté dans la mesure où bien sûr l’irradiation n’a pas été donnée durant la grossesse.
Considérant le souhait de plus en plus fréquent de femmes de pouvoir être mère à un âge plus avancé et l’efficacité meilleure des traitements oncologiques, l’infertilité comme complication iatrogène doit donc être évoquée avec la patiente et son entourage de même qu’en consultation pluridisciplinaire et des solutions proposées.
Parmi ces dernières, nous n’évoquerons ici que la transposition ovarienne qui est une technique relativement ancienne qui pourrait trouver un regain d’intérêt par sa possibilité d’être conduite par laparoscopie. Les autres techniques seront abordées dans d’autres chapitres (mise au repos des ovaires par agonistes GnRH, cryopréservation d’embryons, d’ovocytes, de tissus ovariens, construction de gamètes artificiels).
Avant l’intervention, l’endroit de la transposition doit être bien discuté avec le radio-oncologue, afin que les ovaires soient placés hors des volumes irradiés, un clip doit être placé afin de pouvoir déterminer avec le scanner de planification et le système de calculation la dose reçue. On estime que la dose ainsi reçue ne sera plus que 5-10% de celle délivrée aux ovaires en place(7). En général un ou les deux ovaires sont placés par voie laparoscopique dans les gouttières paracoliques. Des taux variables de préservation de la fonction ovarienne et de capacité de conception ont été rapportés dans la littérature, entre 16 et 90%. Le risque de complication semble peu important mais nécessite d’être précisé ; outre le risque de torsion du pédicule vasculaire ovarien, de développement de kystes bénins de l’ovaire, de douleurs abdominales et d’adhérences, il faut mentionner le cas de métastases ovariennes en cas de cancer gynécologique. Parfois une fertilisation in vitro et une retransposition orthoptique chirurgicale est nécessaire pour permettre la grossesse. Enfin même si celle-ci n’est pas possible, le maintien de la fonction endocrine des ovaires peut être obtenu et ainsi prévenir une ménopause précoce et ses complications.
Références
1. Meirow D, Nugent D. The effects of radiotherapy and chemotherapy on female reproduction. Hum Reprod Update 2001; 7:535-43.
2. Gosden RG, Wade JC, Fraser HM et al. Impact of congenital or experimental hypogonadotrophism on the radiation sensitivity of the mouse ovary. Hum Reprod 1997; 12.2483-2488.
3. Lushbaugh CC, Casarett GW. The effects of gonadal irradiation in clinical radiation therapy: a review. Cancer 1976; 37:1111-25.
4. Chiarelli AM, Marrett LD, Darlington G. early menopause and infertility in females after treatment for childhood cancer diagnosed in 1964-1988 in Ontario, Canada. Am J Epidemiol 1999; 150:245-54.
5. Maltaris T, Senfert R, Fischl F et al. The effects of cancer treatment on female fertility and strategies for preserving fertility. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2007; 130(2):148-155.
6. Hawkins MM, Smith RA. Pregnancy outcomes in childhood cancer survivors: probable effects of abdominal irradiation. Int J Cancer 1989; 43(3):399-402.
7. Morice P, Juncker L, Rey A et al. Ovarian transposition for patients with cervical carcinoma treated by radiosurgical combination. Fertil Steril 2000;74: 743-8.