Des investigateurs cliniques du Centre Universitaire Romand de Transplantation (CURT) ont conduit une étude nationale avec des investigateurs suisses des autres Centres de transplantation, ceci dans le cadre de l’Etude suisse de Cohorte de transplantation (STCS) qui rassemble plus de 5'000 personnes greffées d’organes solides. Parmi elles, 21 patient·es ont été infecté·es durant les sept premières semaines de pandémie du coronavirus. Les résultats préliminaires montrent qu’en Suisse, en cas d’infection par le SARS-CoV-2, ces patient·es ne présentent pas de risque augmenté de complications ni de surmortalité, contrairement à ce que montrent des données recueillies jusqu’alors dans d’autres pays.
Exposition plus importante mais symptômes identiques
Les receveur·ses de greffes d'organes sont généralement plus exposé·es aux complications des infections virales respiratoires (en particulier la grippe), en raison de leur régime immunosuppresseur chronique, et on pouvait imaginer que cela pourrait également être le cas pour l'infection par le SARS-CoV-2.
Cette étude permet de décrire l'épidémiologie, la présentation clinique, le traitement et les résultats des infections par le SARS-CoV-2 chez les receveur·ses de greffes d'organes dans 5 centres suisses. Elle inclut 21 personnes infectées par le coronavirus entre le début de l’épidémie le 25 février 2020 et le 6 avril 2020, d’âge médian de 56 ans et ayant été greffées de différents organes : 10 reins, cinq foies, un pancréas, un poumon, un cœur et trois transplantations combinées. Des comorbidités médicales supplémentaires étaient présentes chez 20 d’entre elles.
Les symptômes d’infection les plus fréquents étaient la fièvre (76%), la toux sèche (57%), les nausées (33%), la diarrhée (33%) et la dyspnée (30%). L'hypoxémie avec besoin d'oxygénothérapie était présente chez 43% au moment du diagnostic.
95% des patient·es ont dû être hospitalisé·es, dont 24% aux soins intensifs et 19% intubé·es. Après une période médiane de 33 jours de suivi, 16 patient·es ont pu quitter l’hôpital, trois étaient encore hospitalisé·es et deux sont décédé·es. Ces dernier·es étaient âgé·es de plus de 70 ans et présentaient des comorbidités majeures.
Malgré la taille réduite l’échantillon, ces données suggèrent que le taux d’infection par SARS-CoV-2 des personnes greffées d’organes, et les manifestations cliniques consécutives sont comparables à celles de la population générale hospitalisée, sans que le taux de complications soit plus élevé.
Des données rassurantes pour les personnes greffées
Cette étude fait l’objet d’une publication dans l’American Journal of Transplantation. Elle constitue l’un des rares rapports multicentriques à une échelle nationale sur l'infection par le SARS-CoV-2 confirmée par des tests de dépistage documentés par PCR. Ces résultats encore préliminaires apportent toutefois des informations importantes et rassurantes pour cette population particulière. Ils viennent d’ailleurs nuancer les études récentes menées aux États-Unis et en Espagne montrant une surmortalité chez les personnes transplantées d’organe.
A propos de la STCS
La STCS est une étude de cohorte nationale multicentrique prospective à laquelle participent plus de 90% des personnes ayant subi une transplantation d’organes solides (cœur, poumon, rein, foie, rein-pancréas) en Suisse depuis 2008. Les données cliniques et de laboratoire sont collectées au moment de la transplantation, 6 et 12 mois après la transplantation, et chaque année par la suite. Elles fournissent des données démographiques sur les patient·es, les maladies des organes sous-jacents, le fonctionnement des organes, ainsi que des informations détaillées sur les complications spécifiques aux greffé·es et aux greffons, notamment les maladies infectieuses.
DOI :10.1111/ajt.16062