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Les hôpitaux universitaires suisses mettent en garde contre le risque d’une catastrophe financière
Les hôpitaux universitaires sont confrontés à des défis considérables. Après une perte cumulée de plus de 200 millions de francs en 2022, ils s'attendent cette année à une perte de près de 300 millions de francs. Pénurie croissante de personnel qualifié, des tarifs ne couvrant pas les coûts, renchérissement et séquelles de la pandémie : autant d’éléments rendent le maintien de soins de haute qualité difficile.
Lors de la conférence de presse qui s'est tenue aujourd'hui à l'Hôpital de l'Île à Berne, les représentantes et représentants des cinq hôpitaux universitaires ont souligné l’importance cruciale de leurs institutions en tant que piliers du système de santé suisse ainsi qu’en tant que centres de recherche et institutions de formation. Au vu de la situation financière tendue, ils demandent comme mesure immédiate une hausse des tarifs de remboursement des prestations, trop bas depuis des années. Si les hôpitaux universitaires ne parviennent pas à s'entendre avec leurs partenaires de négociation sur les hausses des tarifs de remboursement des prestations couvrant les coûts d'ici le milieu de l'année, ils se verront contraint de résilier les conventions tarifaires existantes. En outre, la structure spécifique des coûts des différents types d’hôpitaux doit être prise en compte dans les tarifs de remboursement. Lors de la modification prévue du calcul des tarifs de remboursement dans le cadre de la révision de la OAMal, ces différences disparaîtraient et les hôpitaux universitaires se trouveraient comparés aux hôpitaux régionaux. Ce changement entraînerait des coûts supplémentaires non-couverts de l'ordre de 500 millions de CHF pour les hôpitaux universitaires.
Le financement insuffisant met en péril la mission des hôpitaux universitaires
Les hôpitaux universitaires sont dans une situation paradoxale : malgré le fait que de nombreuses patientes et de nombreux patients se font soigner dans les hôpitaux universitaires, ces derniers enregistrent des pertes. Les tarifs de remboursement des prestations ne parviennent de loin pas à couvrir les coûts. En 2022, la perte cumulée s'élevait à environ 200 millions de francs suisses. Pour 2023, on s'attend à une nouvelle augmentation qui porterait le déficit à environ 300 millions de francs suisses. Cette année, ce sont notamment les adaptations salariales du personnel hospitalier, la hausse des prix de l'énergie et le renchérissement qui contribuent à une augmentation importante des dépenses. D’ailleurs, de nombreux hôpitaux universitaires ne peuvent plus occuper tous leurs lits en raison du manque de personnel. En revanche, les remboursement des prestations n’ont même pas été adaptés au renchérissement, que ce soit dans le secteur ambulatoire ou hospitalier. Au contraire, certaines rémunérations pour les soins ambulatoires ont même été réduits. Dans le cadre du transfert accru vers le secteur ambulatoire, le déficit de couverture des tarifs ambulatoires signifie des pertes supplémentaires. Les hôpitaux universitaires fournissent de plus en plus de prestations de haut niveau à la population et veulent les financer par leurs propres moyens. Si les tarifs de remboursement ne couvrent pas les coûts, les cantons responsables se verront bientôt contraints de prendre des mesures pour soutenir et assainir les hôpitaux universitaires.
D'énormes défis en matière de personnel
La pénurie de personnel qualifié était déjà perceptible, et la pandémie l’a accentuée. L’évolution démographique ou la modification des exigences en matière d'environnement de travail sont quelques-unes des raisons qui expliquent la situation. Les effets sur la santé après la pandémie de Covid-19 se font également sentir au niveau du personnel. Le taux d’absence a atteint 7,9% en 2022, ce qui représente une augmentation de près de 50% par rapport à la période précédant la pandémie. Malgré cela, les hôpitaux universitaires continueront d’être des employeurs attractifs à l'avenir grâce à la dimension essentielle de leurs prestations, aux nombreuses possibilités de développement professionnel qu’ils offrent, ainsi qu'aux rémunérations équitables qu’ils proposent. Les hôpitaux font d'énormes efforts et ont déjà pris de nombreuses mesures pour améliorer encore les conditions de travail et d'emploi. La plupart de ces mesures augmentent toutefois les charges de personnel et pèsent encore plus sur les finances des hôpitaux.
Recherche, formation et innovation
Grâce à leurs projets de recherche, de formation et d'innovation, les hôpitaux universitaires bénéficient directement aux patientes et patients. L'activité de recherche vise à améliorer l'accès à des thérapies de qualité, à faire progresser la médecine et à poser les bases de la médecine du futur. En 2022, les hôpitaux universitaires comptaient 1’152 groupes de recherche, 10’601 articles scientifiques ont été publiés, 67 brevets ont été déposés et 22 start-ups ont été créées. Outre la recherche médicale classique, les hôpitaux universitaires s’engagent également pour la durabilité et la décarbonisation de leurs activités et échangent à ce sujet, par exemple en participant à l'initiative « Modèle d'énergie et de climat » lancée par la Confédération ou à l’initiative de l’Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM) visant à former un consortium pour la durabilité du système de santé et une transition écologique des services de santé.
Corriger les erreurs de réglementation politique
Les innombrables projets de réforme de la Confédération actuellement débattus au Parlement entraînent des répercussions concrètes sur les hôpitaux universitaires. La multiplication des réglementations et le rétrécissement de la marge de manoeuvre rendent difficile l’exercice des activités des hôpitaux universitaires tout en préservant leur rentabilité financière. La situation économique va s'aggraver et il faut trouver rapidement des réponses quant au financement futur des soins. Les hôpitaux universitaires sont conscients de leur propre responsabilité en termes de maîtrise des coûts et optimisent leurs processus et leurs offres. Le « Insel Gruppe » a par exemple récemment décidé de fermer deux hôpitaux. Mais sans la reconnaissance des prestations spécifiques des hôpitaux universitaires et des tarifs appropriés, la poursuite des activités académiques n'est plus possible. Bertrand Levrat, directeur des HUG et président d'unimedsuisse, souligne : « Les conditions politiques et financières actuelles mettent en danger les hôpitaux universitaires. Pour continuer à fournir les meilleures prestations médicales et de recherche et rester des employeurs attractifs, des mesures doivent être prises rapidement ».
Les hôpitaux universitaires ne peuvent plus attendre
Les hôpitaux universitaires demandent aux partenaires de négociation de proposer des tarifs adaptés. Sans offres tarifaires couvrant les coûts, les hôpitaux universitaires se verront contraints de résilier les conventions tarifaires existantes à la fin de l'année 2023 sur l'ensemble du territoire. En outre, les hôpitaux universitaires demandent au Département fédéral de l'intérieur (DFI) et à l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) de tenir compte de leur situation particulière (catégorie de benchmark séparée) lors des discussions en cours sur la définition des tarifs dans le cadre de la révision de l'OAMal. Les hôpitaux universitaires mettent en garde que la révision aggravera encore la situation tarifaire déjà critique.
Si les prix ou les tarifs de remboursement ne sont pas adaptés à la réalité et si le rôle particulier des hôpitaux universitaires n'est pas pris en compte dans la définition des tarifs, les cantons d'implantation des hôpitaux universitaires devront prévoir des financements de secours afin d’éviter la catastrophe financière.
Les intervenants à la conférence de presse étaient :
• Gabi Brenner, Directrice des soins et co-directrice des soins et des MTTB de l'Hôpital universitaire de Zurich (USZ)
• Nicolas Demartines, Prof. MD, Directeur général du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV)
• Uwe E. Jocham, Dr MD h.c., Président de la direction de l’Insel Gruppe Berne
• Werner Kübler, Dr MD MBA, Président de la direction de l’Hôpital universitaire de Bâle (USB)
• Vanessa Kraege, Dre MD MBA, Vice-directrice médicale du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV)
• Bertrand Levrat, Directeur général des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et Président de la Médecine universitaire suisse (unimedsuisse)
• Gregor Zünd, Prof. Dr MD, Président de la direction et CEO de l'Hôpital universitaire de Zurich (USZ)