L’étude de séroprévalence, débutée au printemps et réalisée par les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et l’Université de Genève (UNIGE), révèle que plus d’un cinquième des Genevois·es (22%) a développé des anticorps contre le SARS-CoV-2. Ce chiffre, arrêté au 12 décembre, est à comparer au taux de 6% évalué mi-avril et de 11% obtenu en juin. Même si l’immunité a doublé en six mois, elle reste très insuffisante pour protéger l’ensemble de la population dans les semaines et mois à venir. Cette deuxième phase de l’étude conduite entre le 23 novembre et le 12 décembre 2020 a été menée auprès de 2’072 personnes.
Ces nouveaux résultats montrent que, malgré la circulation active du nouveau coronavirus depuis septembre, la majorité de la population genevoise n’a pas encore été exposée au Covid-19.
Les moins exposés ont été les très jeunes enfants (0-6 ans) et les personnes âgées de plus de 65 ans qui présentent une séroprévalence inférieure à la moyenne, respectivement 15% pour les enfants âgés de moins de 6 ans, 14% pour les adultes âgés de 65 à 74 ans et 10% pour les personnes âgées de plus de 75 ans.
Les plus exposés ont été les jeunes entre 18 et 35 ans. Plus d’un quart d’entre eux ont développé des anticorps contre le SARS-CoV-2 : 28% pour la catégorie des 18-25 ans et 27% pour celle des 25-35 ans.
Des différences entre la première et la deuxième vague
Responsable de l’Unité d’épidémiologie populationnelle, au Service de médecine de premier recours des HUG, et privat docent à la Faculté de médecine de l’UNIGE, la Dre Silvia Stringhini constate : « Le taux de séroprévalence chez les enfants âgés de plus de 6 ans (23%) est quasiment identique à celui de la population générale ».
Ce taux diffère grandement des résultats obtenus à la fin de la première vague et s’explique probablement par le fait que les écoles sont restées ouvertes durant la deuxième vague. L’épidémiologiste en conclut : « Même si les enfants développent rarement des formes graves de la maladie, ils s’infectent probablement autant que les adultes et ils transmettent le virus de la même façon ».
Du côté des personnes âgées, surtout chez les plus de 75 ans, le taux de séroprévalence est très faible. Ceci peut être lié en partie à une plus faible réponse immunitaire des aîné·es et s’explique certainement aussi par le fait que cette catégorie de la population respecte davantage les consignes d’isolement et de distanciation sociale.
D’où l’appel à la vigilance lancé par la Dre Silvia Stringhini pour les fêtes: « Cette faible immunité chez les personnes de plus de 65 ans, combinée au fait que les enfants s’infectent aussi facilement que les adultes, devrait nous inciter à une extrême prudence dans les rencontres intergénérationnelles ».
Une immunité acquise lentement
Pour le Pr Laurent Kaiser, « cette immunité reste insuffisante pour protéger l’ensemble de la population genevoise dans les semaines et mois à venir ». Le médecin-chef du Service des maladies infectieuses des HUG et professeur au Département de médecine de la Faculté de médecine de l’UNIGE rappelle deux points importants : « Il s’agira de savoir si cette immunité dure à long terme ou si elle décline deux ans après l’exposition au virus et de connaître la proportion des personnes qui se feront vacciner sous peu ».
La réaction est la même du côté du Pr François Chappuis, chef du Département de médecine de premier recours des HUG et professeur au Département de santé et médecine communautaires de la Faculté de médecine de l’UNIGE : « Cela met en évidence l’importance cruciale de la vaccination pour les personnes à risque et le maintien nécessaire des distances sociales pour tous et toutes. »
L’intérêt des études de séroprévalence
Cette étude prouve également que l’acquisition d’une immunité par une population, capable de freiner la propagation d’un virus, prend du temps. C’est tout l’intérêt des enquêtes de séroprévalence qui servent à mesurer la proportion de la population déjà exposée au coronavirus. En revanche, elles ne permettent pas de conclure à une immunité totale ou partielle contre ce dernier, ni de présager sur sa durée.
Avec 2’072 participant∙es
L’étude a été réalisée auprès de deux catégories de personnes
• un échantillon aléatoire de personnes âgées de 18 à 65 ans, suivies dans le cadre de l’étude SEROCoV-POP menée au printemps dernier, et
• un échantillon représentatif de personnes de moins de 18 ans et de plus de 65 ans, tiré des listes de l’Office fédéral de la statistique, dans le cadre du programme national Corona Immunitas.
Ces échantillons sont constitués de 47% d’hommes et 53% de femmes ; ils incluent 3% d’enfants de 0 à 6 ans et 13% de personnes âgées de plus de 65 ans. Le recrutement des participant·es se poursuit jusqu’au 23 décembre prochain en vue d’obtenir des estimations encore plus précises dans les semaines à venir.
L’étude a été conduite par l’Unité d’épidémiologie populationnelle du Service de médecine de premier recours (SMPR) des HUG, sous la direction de la Dre Silvia Stringhini, responsable de l’Unité et privat-docent de la Faculté de médecine de l’UNIGE, et du Pr Idris Guessous, médecin-chef du SMPR et professeur au Département de santé et médecine communautaires de la Faculté de médecine. Elle a bénéficié de la collaboration du Laboratoire de virologie et du Centre des maladies virales émergentes, dirigés par le Pr Laurent Kaiser, de l’Institut de santé globale de l’UNIGE dirigé par le Pr Antoine Flahault et de la Plateforme de recherche pédiatrique pilotée par la Pre Klara Posfay-Barbe. Son financement a été assuré par la Fondation privée des HUG, l’Office fédéral de la santé publique, l’Ecole suisse de Santé publique (programme Corona Immunitas), le Centre des maladies virales émergentes ainsi que le Département de médecine de premier recours de la Faculté de médecine de l’UNIGE et des HUG.
Etude Specchio-COVID-19
Les personnes ayant participé aux études de séroprévalence sont aujourd’hui invitées à être suivies dans le cadre du projet Specchio-COVID-19. Cette plateforme a pour but de suivre le statut immunologique des Genevois·es au cours du temps afin d’élucider les dynamiques immunitaires et de modéliser la progression de la pandémie. Elle vise également à mesurer et à étudier l’impact à long terme de la pandémie de Covid-19 sur le Canton de Genève, à travers plusieurs dimensions de la santé et de l’environnement social et économique.
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