Françoise a mal depuis des années. La faute à la sclérose en plaques. Mais elle est bien décidée à ne pas laisser toute la place à la douleur.
« J’ai trop jardiné pendant mon week-end en Bresse, mais il le fallait bien, nos amis ne connaissent rien à la nature ! », confie Françoise, 75 ans, d’une voix rieuse. Débit rapide, regard volontaire et pull rayé rose, impossible de deviner que cette ex-assistante sociale au Comité international de la Croix-Rouge souffre depuis des années de douleurs chroniques dans les membres. «Deux ans avant ma retraite en 2000, j’ai commencé à ressentir une grosse fatigue et des difficultés à écrire ou à tenir des dossiers. En balade à la montagne ou sur les skis, soudain mes jambes ne m’obéissaient plus et je tombais. » Au début, ce sont l’étonnement et l’incompréhension qui dominent chez ses proches. « Quand je disais à mon mari que je n’arrivais plus à avancer, il ne comprenait pas pourquoi je bloquais… ». Après plusieurs années d’errance médicale, le diagnostic de sclérose en plaques est vécu comme un soulagement. « Mon entourage a fini par reconnaître que ce n’était pas une affaire de mauvaise volonté. Comme c’est une maladie qui se voit peu dans mon cas, il m’a fallu toutefois beaucoup l’expliquer. De mon côté, j’ai appris à demander de l’aide. »
Thérapie de groupe
Malgré les traitements entrepris pour ralentir la progression de la maladie, les douleurs neuropathiques (sensation de brûlure, de décharge électrique, picotements) dans les mains et les pieds persistent. De nuit comme de jour, Françoise les subit en continu, minant au passage son moral et le goût de faire des choses. Certains médicaments antalgiques ne lui conviennent pas, « Je préfère y renoncer que d’avoir des effets secondaires comme la sensation désagréable de flotter. » Sur conseil de son neurologue, elle se rend au centre multidisciplinaire de la douleur des HUG en 2004 où on lui propose une thérapie de groupe cognitive et comportementale (TCC). L’objectif ? Diminuer les limitations induites par la douleur grâce à des activités qui occupent l’esprit (techniques dites de décentration). « Il faut accepter qu’il n’est pas possible de supprimer la douleur, mais qu’on est là pour trouver des moyens de la dévier, pour faire avec, malgré elle. » Chacun son truc. Celui de Françoise sera, en plus du jardinage, l’aquarelle dont elle suit des cours. « J’ai réalisé que j’étais capable de tenir un pinceau, d’y prendre du plaisir et, surtout, que je ne pensais plus à mes douleurs lorsque je peignais. J’ai remplacé le bricolage que je ne pouvais plus faire par ce passe-temps que je pratique maintenant une fois par semaine avec des amis.»
Piqûre de rappel
En 2014, Françoise ressent pourtant le besoin de faire une piqûre de rappel et s’inscrit à une nouvelle session de TCC. « La douleur redevenait envahissante. J’étais en train de me résigner et de m’isoler de plus en plus. Je me sentais déprimée. Quand j’ai vu qu’il m’arrivait d’en vouloir aux autres d’être en bonne santé, j’ai décidé de réagir. » Partager avec d’autres la booste comme la première fois. En parallèle, elle teste la relaxation et découvre l’autohypnose : « J’écoute régulièrement un CD et ça marche bien. Cela m’aide pour mon anxiété. Pendant 15 minutes, je m’en vais ailleurs, je prends du recul, comme un moment suspendu. » Aujourd’hui, Françoise reconnaît que de « bonnes personnes » l’entourent et qu’elle ne manque pas de ressources personnelles : aquagym, lecture et scrabble sur tablette, peinture, jardinage, réunions familiales. Quand elle s’adonne à ces occupations, « la douleur n’occupe plus toute la place. Elle passe au second plan. »