Andrea Ehretsmann est pair praticienne en santé mentale. Son expérience est mise au service de patients du CAPPI des Pâquis.
Et si l’expérience d’une maladie psychique pouvait servir aux autres ? La question peut paraître saugrenue. Pourtant, dans les faits, des personnes au passé psychiatrique intègrent aujourd’hui des structures actives en santé mentale. Il s’agit des pairs praticiens. Parmi eux, Andrea Ehretsmann. Depuis plus d’une année, la quinquagénaire a intégré le centre ambulatoire de psychiatrie et psychothérapie intégrées (CAPPI) des Pâquis. Dans le cadre d’un projet pilote, une fois par semaine, elle coanime avec des infirmières spécialisées un groupe sur le rétablissement composé d’une dizaine de personnes. « Il s’agit de mettre le patient au centre et de l’aider à reprendre sa vie en main », résume-t-elle. Ayant connu des burnouts et des dépressions, l’ex-employée de banque a toute légitimité pour s’adresser à des patients souffrant de troubles psychiques. « Je propose des outils concrets pour aller mieux et aide les personnes à adhérer à leur traitement. Elles entendent mieux certaines choses de quelqu’un qui a un vécu commun avec elles. Etant passée par là, je suis crédible. De plus, comme j’ai surmonté les souffrances qu’elles vivent, je suis un peu un modèle pour susciter de l’espoir. »
Importance du bien-être
Andrea Ehretsmann est pragmatique : « Je transmets des idées autour du bien-être : se sentir responsable de sa vie plutôt que victime, accepter sa fragilité, avoir une bonne hygiène de vie, remettre en question certains rêves, avoir des nouveaux projets et trouver les conditions pour les élaborer. » En même temps, elle reconnaît ses limites : « Tout ne marche pas avec tout le monde : la pleine conscience et le sport m’ont beaucoup apporté, mais ces approches ne correspondent pas forcément à tous. Et puis, c’est un vrai travail d’équipe. Les patients ont besoin de soins multidisciplinaires, des médecins, des infirmières, des assistantes sociales et des psychomotriciennes. Nous sommes une équipe soudée, complémentaire. Je me sens soutenue, acceptée et écoutée dans cet environnement. J’apporte un autre regard. » Elle a aussi suivi individuellement une personne souffrant de troubles psychotiques pour l’aider concrètement : « Retrouver des envies et des buts, structurer ses journées et ses semaines pour rester stable, détecter objectivement les signes avant-coureurs d’une éventuelle rechute pour gérer au mieux la situation. »
Après une carrière dans la finance et une parenthèse de mère au foyer, comment en est-elle arrivée là ? « Depuis longtemps, je voulais faire quelque chose de ma souffrance. Petit à petit, j’ai pris de la distance et parcouru un développement personnel. Maintenant, je me sens suffisamment armée pour contribuer au rétablissement d’autres personnes », répond-elle. Grâce à ce cheminement, elle a pu également s’investir dans un autre emploi. A Solidarité Femmes, association d’aide aux femmes victimes de violences conjugales, elle occupe un poste à temps partiel dans la communication et la recherche de fonds.
Encore peu nombreux en Suisse romande, treize pairs praticiens ont suivi avec succès la première formation d’une année à l’Ecole d’études sociales et pédagogiques à Lausanne. Conditions d’entrée : avoir suivi un traitement en milieu psychiatrique, être en mesure de faire une analyse sur sa trajectoire et ne plus être en situation de crise aiguë ou de décompensation depuis au moins une année.