L’insuffisance rénale aiguë est une défaillance majeure de la fonction des reins. Aux soins intensifs, elle touche plus d’un∙e patient∙e sur deux. Le seul traitement existant actuellement est le recours à la dialyse. Si cette méthode est efficace pour épurer les toxines, la mortalité de ces patients reste élevée, allant jusqu’à 50%. Une équipe de chercheuses et chercheurs des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) et de l’Université de Genève (UNIGE) vient de démontrer qu’une des causes possible de cette surmortalité était probablement due à un déficit de production de glucose par le rein et qu’elle pourrait être améliorée par l’administration de thiamine, ou vitamine B1. Cette étude, publiée dans la revue Nature Metabolism, ouvre la voie à de nouvelles perspectives thérapeutiques et pourrait améliorer considérablement les chances de survie des patient.es aux soins intensifs.
En éliminant les déchets et en produisant de l’urine, les reins jouent le rôle de station d’épuration du corps humain. Mais ils ont également d’autres fonctions métaboliques. Ils produisent notamment un sucre, le glucose, principalement à partir d’un déchet, l’acide lactique, ce qui permet de maintenir une glycémie suffisante, particulièrement dans des situations de jeûne ou de stress, fréquentes aux soins intensifs. Cette double fonction, appelée néoglucogénèse, est cruciale pour le bon fonctionnement de certains organes tels que le cœur ou le cerveau.
Une cohorte de plus de 20'000 patient∙es
Dans un premier temps, l’équipe de recherche des HUG et de l’UNIGE a travaillé sur des modèles animaux et a réussi, grâce à la technique novatrice du séquençage de cellule unique, à identifier les cellules rénales responsables de la néoglucogénèse.
Elle a ensuite réalisé des analyses sur une centaine de personnes hospitalisées aux soins intensifs et constaté que la production de sucre et la consommation de lactate par les reins étaient diminuées chez celles atteintes d’insuffisance rénale aiguë.
Les chercheur∙es ont alors étudié les dossiers médicaux de plus de 20’000 patient∙es admis∙es aux soins intensifs des HUG ces dix dernières années. Ils.Elles ont découvert que la présence d’une insuffisance rénale aiguë s’associait à des taux sanguins de glucose plus bas et de lactate plus élevés, et que ces altérations étaient corrélées à la mortalité.
Une haute dose de vitamine B1
Finalement, à l’aide de modèles expérimentaux et d’une étude rétrospective de 350 patient∙es admis∙es au Service des soins intensifs, ils∙elles ont étudié l’effet de l’administration de hautes doses de thiamine, également appelée vitamine B1, à ces patient∙es. Cette vitamine est essentielle pour métaboliser le sucre dans l’organisme.
L’étude a démontré qu’une administration importante de thiamine était associée à une normalisation des taux de glucose et de lactate et, finalement, à une diminution de la mortalité. Si des études complémentaires doivent encore être menées pour confirmer les résultats, de nouvelles perspectives thérapeutiques s’ouvrent, en ciblant le métabolisme rénal en général et la néoglucogénèse en particulier.
L’équipe de recherche
L’étude a été menée sous la direction de la Pre Sophie de Seigneux, médecin adjointe agrégée au Service de néphrologie et d’hypertension du Département de médecine des HUG, professeure au Département de médecine et responsable du Laboratoire de néphrologie, du Département de physiologie cellulaire et métabolisme, de la Faculté de médecine de l’UNIGE et du Dr David Legouis, médecin chef de clinique scientifique, au Service des soins intensifs du Département de médecine aiguë des HUG et chercheur au Laboratoire de néphrologie du Département de physiologie cellulaire et de métabolisme, de la Faculté de médecine de l’UNIGE.
Cette étude a également impliqué plusieurs centres suisses et européens parmi lesquels le département d’anesthésiologie de l’hôpital universitaire de Gothenburg en Suède, le laboratoire des maladies rénales rares et fréquentes de l’INSERM à Paris, le service de néphrologie de l’hôpital universitaire de Louvain en Belgique ainsi que le service de néphrologie de Lugano, au Tessin.
Elle a enfin reçu le soutien financier de la Fondation privée des HUG.
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